Fatwa n° 129

Catégorie : Fatwas relatives à la Famille - L'acte de mariage - Les droits conjugaux - Droits conjugaux individuels

Le fait que la femme d’un disparu
rende visite à ses proches

Question :

Une femme, dont le mari a disparu depuis plus de six mois sans que personne ne sache où il se trouve, demande ce qu’elle doit faire. Lui est-il permis d’aller chez son père et de rendre visite à ses proches, tout en signalant le cas où elle peut être empêchée par sa belle-mère, sachant que cela existe dans leurs traditions ? Que lui est-il permis de faire ?

Quel est le jugement porté sur celui qui quitte sa femme pour une durée de huit ans sans la contacter ni avoir de ses nouvelles alors qu’on sait bien où il se trouve, puis revient après toute cette période. Est-il permis à la femme de rester avec lui, de maintenir la relation conjugale et d’accepter s’il l’invite à avoir des rapports avec lui ?

 

Réponse :

Louange à Allâh, Maître des Mondes ; et paix et salut sur celui qu’Allâh عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :

Le cas du mari qui quitte sa femme sans qu’elle ne sache rien de lui, ni où il se trouve ni s’il est vivant ou mort, peut être traité comme suit :

Soit le juge certifie sa mort en se basant sur une preuve telle que le témoignage de gens dignes de confiance. Son décès sera, alors, confirmé dès que la preuve de sa mort est établie ; sa femme commencera à observer le délai de viduité à partir de ce moment-là.

Ou bien, le jugement concernant son décès est fondé sur des signes qui ne peuvent être considérés comme des preuves. Le juge délivrera, dans ce cas, un jugement confirmant la mort du disparu après l’écoulement de quatre années depuis la date du lancement de l’enquête, appliquant, ainsi, ce qui est établi durant la période du califat de l’honorable Compagnon ‘Oumar Ibn Al-Khattâb رضي الله عنه relatif au cas du disparu(1). Son décès ne sera certifié que par jugement car il pourrait être toujours en vie et sa femme observera un délai de viduité de quatre mois et dix jours dès que la durée [des quatre années] se sera écoulée, après laquelle il lui sera permis de se remarier.

Pour ce qui est du mari qui quitte sa femme, alors que l’on sait où il se trouve et qu’on peut le contacter, tout en ayant une excuse et en prenant en charge les dépenses de sa femme pendant la durée de son absence, dans un tel cas, la femme ne sera pas en mesure de demander la séparation. Néanmoins, il n’est pas permis que la durée pendant laquelle il s’absente, en ayant une excuse, soit illimitée, car la femme subira une nuisance si la durée s’étend sans qu’elle ne soit restreinte, et la nuisance doit être repoussée comme il est connu par le hadith rapporté par l’intermédiaire d’Ibn ‘Abbâs رضي الله عنهما et attribué au Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم: « Pas de nuisance, ni à soi-même ni à autrui. »(2) Pour cela, le mari doit la libérer conformément à la bienséance en raison de son incapacité de la garder en étant bienfaisant envers elle. S’il refuse de la répudier, le juge le fera à sa place en vue d’écarter l’injustice et la nuisance tant que la femme n’accepte pas de rester sous sa tutelle.

Quant au cas où le mari quitte sa femme sans avoir une excuse légitime, celle-ci sera en mesure de demander la séparation. Le juge pourra, donc, l’avertir en lui ordonnant de retourner à elle ou de la ramener à lui. En cas de refus, le juge devra repousser l’injustice en annulant le contrat de mariage.

De plus, la femme pourra demander l’annulation du contrat de mariage si le mari ne s’acquitte pas de l’obligation des dépenses pour elle, qu’il soit absent ou non, si elle veut se séparer de lui. Si, toutefois, elle accepte de demeurer sous sa tutelle, le contrat restera valable puisque il n’y a pas eu d’annulation, conformément à la règle qui annonce le maintien de ce dont l’établissement et la permanence sont prouvés par la Charia et la raison.

Par ailleurs, si le mari quitte sa femme sans lui laisser de l’argent pour (couvrir) ses dépenses, elle est en droit de se refuser à lui, car, pour qu’il puisse jouir d’elle, il lui est exigé comme condition de se charger des dépenses. En effet, prendre en charge les dépenses est, à l’unanimité, une obligation qui lui incombe. Allâh عزّ وجلّ dit :

﴿وَعَلَى ٱلۡمَوۡلُودِ لَهُۥ رِزۡقُهُنَّ وَكِسۡوَتُهُنَّ بِٱلۡمَعۡرُوفِۚ[البقرة: 233].

Sens du verset :

Le père de l’enfant est tenu de pourvoir à la nourriture et à l’habillement de la mère d’une manière convenable  ﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v.233]

Et Il عزّ وجلّ dit également :

﴿لِيُنفِقۡ ذُو سَعَةٖ مِّن سَعَتِهِۦۖ وَمَن قُدِرَ عَلَيۡهِ رِزۡقُهُۥ فَلۡيُنفِقۡ مِمَّآ ءَاتَىٰهُ ٱللَّهُۚ لَا يُكَلِّفُ ٱللَّهُ نَفۡسًا إِلَّا مَآ ءَاتَىٰهَاۚ[الطلاق: 7]

Sens du verset :

Que celui qui est aisé dépense de sa fortune ; et que celui dont les biens sont restreints dépense selon ce qu’Allâh lui a accordé. Allâh n’impose à personne que selon ce qu’Il lui a donné  ﴿ [At-Talâq (le Divorce) : v.7]

Par conséquent, si la condition n’est pas remplie les effets ne se produiront pas. Mais si elle ne se refuse pas à lui, elle ne sera pas considérée comme désobéissante, et son droit aux dépenses sera maintenu tant que son mari néglige de l’assumer, et elle pourra toujours le revendiquer en se référant au principe précédemment cité.

D’autre part, il est du droit de l’homme de retenir sa femme dans une demeure qui lui est convenable selon ce qui est prescrit par la Charia et elle n’est autorisée de sortir qu’avec sa permission. Si elle sort sans sa permission, elle sera considérée comme désobéissante à Allâh عزّ وجلّ et à Son Messager صلَّى الله عليه وسلَّم et méritera la punition(3). Néanmoins, il ne doit pas l’empêcher d’aller voir ses parents, ou de leur rendre visite quand ils sont malades, elle doit soigner celui qui tombe malade parmi eux et rester à son chevet s’il n’y a personne pour le faire, même si son mari n’est pas d’accord et ne le lui permet pas, étant donné qu’il n’a pas le droit de l’empêcher d’accomplir un devoir ou de lui ordonner de rompre ses relations avec sa famille. Car l’obéissance à l’époux est, religieusement, délimitée par ce qui est convenable.Les ulémas ont souligné que le mari ne doit point empêcher sa femme de rendre visite à ses parents malades ou d’aller chez eux pour les voir, car cela impliquera la rupture des relations avec eux et poussera la femme à s’opposer à lui, tandis qu’Allâh عزّ وجلّ nous a ordonné de nous comporter convenablement envers les femmes. Un tel acte ne fait nullement partie du bon comportement que l’homme doit avoir envers sa femme comme l’a dit Ibn Qoudâma ـ رحمه الله ـ(4).

Le mari ne doit pas, également, empêcher sa femme de sortir, tout en respectant les prescriptions de la Charia [ayant trait à sa sortie], pour acquérir le savoir religieux si elle ignore les jugements relatifs à sa religion. Il doit, donc, la laisser sortir au moins pour apprendre le nécessaire de ce savoir, si, lui, n’est pas en mesure de lui assurer cet apprentissage, ou s’il est en mesure de le faire, mais il ne le fait pas, car l’acquisition du savoir religieux est une obligation pour elle(5), et le mari n’a point le droit de l’empêcher de l’accomplir. De même, si elle demande la permission pour aller à la mosquée, il n’est pas en droit de l’en empêcher vu que le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم dit dans le hadith rapporté par Al-Boukhâri par l’intermédiaire d’Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما: « Si la femme de l’un de vous demande la permission d’aller à la mosquée, il ne doit pas l’en empêcher. »(6) Cela concerne le cas où le mari est présent, la femme est, alors, sommée de demander sa permission [pour sortir], puisque si le fait d’aller à la mosquée nécessite sa permission, le fait qu’elle sorte pour aller à un autre endroit où il n’est pas obligatoire d’y aller, nécessitera, à plus forte raison, d’avoir sa permission.

Dans le cas où le mari est absent, mais il y a à la maison quelqu’un qui le remplace tel que son substitut parmi les hommes qui sont Mahrame(7) pour la femme, le jugement précédent concernant le mari passe, alors, à son substitut, car c’est lui qui le représente. Ce dernier pourra accompagner la femme vers l’endroit où elle veut aller en cas de besoin ou de nécessité. Si, toutefois, elle craint, en sortant, qu’elle ne subisse de mauvaises conséquences, parce que sa belle-mère l’en empêcherait, et craint aussi un manquement à la vie conjugale qu’elle avait tant espérée et attendue, il vaudra mieux, dans ce cas, qu’elle patiente jusqu’à ce qu’Allâh عزّ وجلّ lui facilite les choses et lui accorde Sa faveur, certes, Il est le Meilleur parmi ceux qui accordent les faveurs, appliquant ainsi la règle annonçant qu’« entre deux nuisances ou deux dommages, il faut choisir le moindre ».

Le savoir parfait appartient à Allâh سبحانه وتعالى, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

 



(1) Rapporté par : ‘Abd Ar-Razzâq dans Al-Mousannaf (12324), Ibn Abî Chayba dans Al-Mousannaf (16718) et Al-Bayhaqî dans As-Sounane Al-Koubrâ (7/445). Ce hadith est jugé haşane (bon) par Al-Albânî dans Al-Irwâ’ (6/150).

(2) Rapporté par : Ibn Mâdjah (2340), Ahmad (22778) et Al-Bayhaqî (12224), par l’intermédiaire de ‘Oubâda Ibn As-Sâmit رضي الله عنه. Il est également rapporté par Ibn Mâdjah (2341) et par Ahmad (2865) par l’intermédiaire d’Ibn ‘Abbâs. Ce hadith est jugé authentique par Al-Albânî dans Al-Irwâ’ (896) et dans As-Silsila As-Sahîha (250).

(3) Cf. : Madjmoû‘ Al-Fatâwâ d’Ibn Taymiyya (32/281).

(4) Cf. : Al-Moughnî (7/20-21).

(5) Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم dit : « L’acquisition du savoir [religieux] est une obligation qui incombe à chaque musulman. » Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mou‘djam Al-Awsat (4096), par l’intermédiaire d’Ibn ‘Abbâs رضي الله عنهما. Il est aussi rapporté par Ibn Mâdjah (224), par l’intermédiaire d’Anas ibn Mâlik رضي الله عنه. Ce hadith est jugé authentique par Al-Albânî dans Sahîh Al-Djâmi‘ (3913).

(6) Hadith unanimement jugé authentique par Al-Boukhârî (5238) et par Mouslim (442), par l’intermédiaire d’Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما.

(7) C’est l’homme avec qui la femme ne peut jamais se marier. (NDT).

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