Fatwa n° 1135

Catégorie : Fatwas relatives aux transactions financières – Les ventes

La vente par réseau pyramidale

Question:
Notre vertueux cheikh, qu’Allâh vous protège, dernièrement, certaines transactions se sont répandues sous la forme de vente en réseau, chez des compagniesinternationales telles que Qnet. Elles se résument de la sorte : la compagnie convainc une personne quelconque d’acheter une marchandise ou un produit en s’engageant à convaincre d’autres personnes de l’acheter, afin que ces mêmes personnes convainquent à leur tour d’autres personnes d’acheter et ainsi de suite. Plus les niveaux de participants augmentent et plus les gains du premier participant sont élevés et chaque participant cherche à convaincre d’autres personnes de participer en échange de gains considérables. Quel est le jugement de cette transaction, - qu’Allâh vous bénisse – et fait-elle partie du courtage permis par la religion ? Qu’Allâh vous récompense.

 

Réponse :

La Louange est à Allâh, Le Seigneur des mondes. Et que la prière et le salut soient sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour l’univers, ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Rétribution. Cela dit :

S’il apparaît que le système de la vente par réseau pratiquée par ces compagnies internationales est tel qu’il a été décrit et qu’elles cherchent à vendre leurs produits de cette façon, alors il comporte plusieurs infractions à la religion, que l’on peut exposer de la façon suivante :

-        La première infraction : cette transaction comporte de la vente aléatoire et du hasard, ce qui est interdit par la religion. En effet, celui qui participe à la vente en réseau ne le fait que dans le but de toucher de l’argent en échange du fait d’amener de nouveaux participants. Aussi, plus il amène un grand nombre de clients, tout en remplissant les conditions de participation et plus ses commissions et ses gains augmentent. Au contraire, il se peut que ses gains soient inférieurs au premier montant qu’il a payé et s’il n’atteint pas son objectif, il aura perdu la totalité du montant. Entre la réussite et l’échec, le participant ignore, lorsqu’il se lance dans la vente en réseau ou pyramidale, s’il sera gagnant ou perdant. En ignorant cela, il entre dans le domaine de la vente aléatoire, “Al-Gharar”, qui est interdit dans le hadith de Abou Hourayra رضي الله عنه qui a dit: « Le Messager d’Allâh a interdit la vente par jet de cailloux ainsi que la vente aléatoire.»(1) Il existe d’autres hadiths authentiques qui concernent la vente aléatoire et le hasard.

-        La deuxième infraction : cette transaction comporte de l’usure subtile(2), qui est l’usure des transactions commerciales sous ses deux catégories: l’usure relative à la valeur (“Ribâ Al-Fadl”) et l’usure relative au délai (“Ribâ An-Naşîa”). En effet, il est évident que la marchandise qui est au cœur du marketing de réseau n’est pas visée en elle-même. Elle utilisée comme façade qui cache le fait de chercher à toucher des gains d’argent à travers les commissions des clients qui peuvent dépasser la valeur de cette marchandise. Le fait que cette marchandise n’est pas voulue en elle-même est appuyé par le fait que son prix tel qu’il est proposé par la compagnie est plus élevé que sa valeur réelle dans le marché. Une fois établi le fait que la marchandise n’est pas voulue en elle-même, il devient certain que le but réel de cette transaction est la vente des commissions et non de la marchandise. Le participant contribue en payant une petite somme d’argent afin de récupérer de l’argent en bien plus grande quantité. Le vrai visage de cet échange apparaît donc de la sorte: la vente d’une commission en argent contre une commission en argent avec une différence de valeur entre les deux et avec un délai, en se cachant derrière une marchandise ou un produit que ces compagnies s’occupent de vendre. Les savants sont unanimes quant à l’interdiction de l’usure des transactions commerciales sous ses deux formes: celle relative à la valeur et celle relative au délais(3). Cette unanimité s’est appuyée sur la parole du Prophète : “ne vendez pas de l’or contre de l’or, sauf en échangeant deux quantités équivalentes et l’une des deux quantités ne doit pas être supérieure à l’autre; ne vendez pas l’argent contre l’argent, sauf en échangeant deux quantités équivalentes et l’une des deux quantités ne doit pas être supérieure à l’autre; et ne vendez pas l’un des deux à délai contre une quantité réglée immédiatement. »(4)

-        Également, cet échange a quelque ressemblance avec la vente à terme (“Bay’ Al-’îna”), puisque, par son biais, on cherche à ruser pour éviter l’usure qui est interdite en utilisant une marchandise, de sorte à arriver à l’usure mais sous la forme d’un acte de commerce. Cette pratique est interdite par la parole du Prophète : « Quand vous pratiquerez la vente à terme, quand vous vous cramponnerez aux queues des vaches, quand vous vous satisferez de l’agriculture et délaisserez le combat, Allâh fera s’abattre sur vous une bassesse qu’il ne dissipera que quand vous reviendrez à votre religion. »(5)

-        La troisième infraction : cette transaction comporte de l’injustice de la part de l’individu à l’égard de son frère. En effet, la vente en réseau, pour écouler ses marchandises ou ses produits, repose sur une publicité alléchante qui trompe les participants et leur promet de toucher des gains énormes et des commissions excessives en échange d’une somme négligeable, qui est le prix du produit. Ce produit est, à la base, le moyen par lequel la compagnie cherche à amasser le plus grand nombre de participants, par le biais d’un commerce de façade. Cela amène généralement à ce que la majorité des participants se retrouvent tout en bas de la pyramide, victimes du piège de ce système commercial trompeur et perfide. C’est dans le même temps qu’est assouvie la convoitise des gens du haut de la pyramide qui sont gagnants aux dépends de la majorité perdante. Ces transactions, sans aucun doute, sont concernées par la parole d’Allâh:

﴿وَلا تَأْكُلُوا أَمْوَالَكُمْ بَيْنَكُمْ بِالْبَاطِلِ [البقرة: 188]

Et ne mangez pas les biens des uns des autres sans droit﴿ [s. An-Nişâ’ (les Femmes) : v. 188], puisque la tromperie qui est propre à ce que l’on ne l’agrée pas lorsqu’on la découvre fait partie du fait de manger les biens des gens sans droit(6). De même que cette pratique est concernée par les différents textes religieux qui interdisent de tromper et de duper les gens, vu le hadith : « Quiconque indique à son frère de faire quelque chose alors qu’il sait que la rectitude réside dans une autre chose, l’aura certes trahi. »(7)

 

Remarquons maintenant que le système de la vente en réseau ne relève pas du domaine du courtage, puisqu’il est différent de ce dernier sous plusieurs aspects:

-        Premièrement : le courtage est un contrat qui oblige le courtier à chercher une autre personne pour nouer un lien entre les deux partis afin qu’un contrat soit conclu et ce en échange d’un salaire. Dans le système de la vente en réseau, c’est le participant qui est chargé de payer une somme pour pouvoir vendre les marchandises ou les produits de la compagnie.

-        Deuxièmement : le contrat de courtage se distingue par l’absence de la relation postérieure au contrat, c’est-à-dire qu’aucun lien postérieur au contrat ne lie le courtier à son collaborateur, alors que le participant, dans le système de la vente en réseau, est lié à son collaborateur jusqu’à ce que la vente en réseau prenne fin.

-        Troisièmement : le contrat qui lie le courtier à son collaborateur prend fin lorsque les deux partis concluent un accord et le courtier mérite un salaire, alors que dans la vente en réseau, la vente peut perdurer jusqu’à un temps lors duquel le participant ne sait pas s’il sera gagnant ou perdant.

-        Quatrièmement : le courtage est un contrat qui vise à faire l’intermédiaire et à rapprocher le collaborateur de celui avec qui il va conclure un contrat. Le courtier s’occupe de faire pencher les deux partis vers un accord et son objectif de base est de faciliter l’arrivée à un contrat autour de la marchandise ou du produit concerné par ce contrat et ce sous une forme concrète et réelle. Cela signifie que la marchandise ou le produit sont voulus pour eux-mêmes et dénués de toute duperie. La vente en réseau, par contre, n’est pas sous cette forme, puisque son objectif de base est de toucher des commissions et des gains. L’individu vend donc lui-même la marchandise à celui qui veut la vendre à autrui, sans que la marchandise ni le produit ne soient voulus en eux-mêmes, puisqu’ils ne sont qu’un moyen de multiplier l’argent.

 

En se basant sur ce qui précède, l’interdiction de cette pratique est confirmée par toutes les infractions précitées qu’elle comporte et une seule d’entre elles aurait suffi pour que l’on prononce l’interdiction, pour ce que cette pratique comporte comme injustice et comme mal. Aussi, la vente en réseau, avec sa méthode trompeuse, n’a aucun lien avec le courtage permis par la religion, vues les nombreuses différences qui existent entre les deux, comme nous l’avons vu précédemment. En réalité, la vente de réseau est plus proche des jeux de hasard et de l’usure.

Cela étant dit, la science parfaite est auprès d’Allâhتعالى. Et notre dernière invocation est : Louange à Allâh, le Seigneur des mondes. Et qu’Allâh prie sur notre Prophète Mouhammad, sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Rétribution, et qu’Il les salue.

 

Alger, le 14 de Rabî‘ Ath-Thânî 1433 H,

correspondant au 7 mars 2012 G.

 


(1) Rapporté par Mouslim (1513), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.

(2) Voir la division de l’usure en usure claire et en usure subtile par Ibn Al-Qayyim dans I‘lâm Al-Mouwaqqi‘îne (2/154-155).

(3) Cf. : Al-Moughnî d’Ibn Qoudâma (4/3).

(4) Rapporté par : Al-Boukhârî (2177) et Mouslim (1584), d’après Aboû Sa‘îd Al-Khoudrîرضي الله عنه.

(5) Rapporté par Aboû Dâwoûd (3462), d’après Ibn ‘Oumar رضي الله عنه ; jugé sahih (authentique) par Al-Albânî dans As-Silsila As-Sahiha (11).

(6) Souboul As-Salâm d’Al-San‘ânî (3/28).

(7) Rapporté par Aboû Dâwoûd (3657), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه ; jugé sahih (authentique) par Al-Albânî dans Sahîh Al-Djâmi‘ (6068).

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