Le jugement relatif à l’étudiant
qui vante sa propre personne et la loue

 

Question :

Un étudiant qui a atteint un certain niveau dans l’étude du savoir religieux se vante dans les assemblées et parle de ses qualités, tout en s’innocentant de tout manquement ou défaut. Il dit par exemple, en parlant d’une question de fiqh, en donnant un conseil ou en exprimant une opinion : «Personne n’a dit cela avant moi.», «Vous ne trouverez ces paroles chez personne autre que moi.». Il dit aussi : «C’est une réflexion exceptionnelle ; je ne connais personne qui soit arrivé à cette conclusion.», puis il se l’attribue en citant son nom, ou d’autres expressions encore. Quel est le jugement de cet agissement. Soyez profitable pour nous et qu’Allah vous récompense !

Réponse :

Louange à Allah, Seigneur des mondes. Que la prière et le salut soient sur celui qu’Allah a envoyé comme une miséricorde pour les univers, ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ses frères et ce, jusqu’au Jour de la Résurrection.

Cela dit :

Le cas de celui qui se vante et cite ses propres qualités diffère selon son intention(1). S’il le fait pour s’élever au-dessus des autres, pour mépriser ses semblables, se distinguer d’eux et pour se vanter de ce qu’il a acquis, alors, ce genre d’éloges est réprouvé par la religion, car Allah a dit :

﴿فَلاَ تُزَكُّوا أَنْفُسَكُمْ﴾ [النجم: 32].

Et ne faîtes pas vos propres éloges﴿ [An-Najm (les Etoiles) : 32].

Les termes du verset sont généraux et englobent tout individu qui fait les éloges de sa propre personne, que ce soit en mentant ou en disant la vérité. Et même si ce verset a été révélé à propos des juifs, «on considère le caractère général du Texte et non le caractère particulier de sa cause ou de sa circonstance». Allah le Très Haut sait Seul qui de Ses serviteurs mérite de recevoir des éloges et qui ne le mérite pas et Il – qu’Il soit Puissant et Majestueux – nous en a informés en disant :

﴿فَلاَ تُزَكُّوا أَنْفُسَكُمْ هُوَ أَعْلَمُ بِمَنِ اتَّقَى﴾ [النجم: 32].

Et ne faîtes pas vos propres éloges, Il sait mieux qui Le craint﴿ [An-Najm (les Etoiles) : 32].

﴿بَلِ اللهُ يُزَكِّي مَنْ يَشَاءُ وَلاَ يُظْلَمُونَ فَتِيلاً﴾ [النساء: 49].

Mais Allah fait les éloges de qui il veut et ils ne seront lésés en rien﴿ [An-Nissâ' (les Femmes) : 49].

Ce genre vantardise est vraiment ignoble et n’est qu’une prétention corrompue, car elle n’est que le résultat de l’autosatisfaction et de l’infatuation, de l’insolence et de l’arrogance de l’esprit vis-à-vis des gens. C’est le caractère de celui qui emprunte la voie de l’orgueil et de la vanité pour montrer à ceux qui le suivent et aux gens qu’il est au-dessus des autres, de façon à les dominer et à asservir leurs cœurs et pour leur montrer le mérite qu’il a sur eux, sans voir le mérite qu’ils ont vis-à-vis de lui.

Est concerné aussi celui qui se surestime en employant les termes «je» ou «nous» en gonflant sa personne, ou des termes qui leur ressemblent, tels que «pour moi», «je tiens», etc. Le mot «je» est, comme on dit, la cause de la moitié des calamités qui affectent le monde, car, chez la plupart des gens, il renferme de grandes prétentions et des mensonges encore plus grands(2). C’est dans ce sens qu’Ibn Al-Qayyim رحمه الله a dit : «Qu’il se méfie grandement de la transgression de ‘Ana’ [‘je’, ‘moi’], ‘Lî’ [‘à moi’, ‘pour moi’, ‘j’ai’] et ‘`Indî’ [‘chez moi’, ‘je détiens’], trois formules par lesquelles Iblîs, le pharaon et Qârûn ont été éprouvés.

﴿أَنَا خَيْرٌ مِنْهُ﴾ [الأعراف: 12، ص: 76].

Je [‘Anâ’] suis meilleur que lui﴿ [Al-A`râf : 12] fut la parole d’Iblîs,

﴿لِي مُلْكُ مِصْرَ﴾ [الزخرف: 51].

Le royaume d’Egypte est à moi [‘Lî’]﴿ [Az-Zukhruf (l’Ornement) : 51] celle de pharaon et

﴿إِنَّمَا أُوتِيتُهُ عَلَى عِلْمٍ عِنْدِي﴾ [القصص: 78].

Je ne l’ai reçu que grâce à un savoir que je détiens (‘`Indî’)﴿ [Al-Qassas (le Récit): 78] celle de Qârûn.

La meilleure façon d’employer ‘Anâ’ est lorsqu’un serviteur d’Allah dit : ‘Je suis un serviteur pécheur, fautif, qui demande pardon et reconnaît ses torts.’, etc. La meilleure façon d’employer ‘’ est de dire : ‘C’est à moi que revient le péché, le méfait, l’avilissement, le besoin et l’humilité.’ ; et la meilleure façon d’employer ‘`Indî’ est de dire : ‘pardonne mon sérieux et mon étourderie, ce que je fais par erreur et ce que je fais volontairement et tout cela existe chez moi.’»(3)

Ce qui précède est vrai dans le cas où cet individu mal intentionné est véridique dans ses dires, dans le sens où il maîtrise réellement le savoir, connaît parfaitement les conceptions de la religion et ses objectifs, qu’il assimile les questions qu’il traite dans leurs détails et en même temps il applique ce savoir par les œuvres et la prédication.

Par contre, si celui qui prononce ces mots se veut l’égal des savants et des étudiants alors qu’il n’en fait pas partie, là, c’est une double ignorance et les éloges qu’il s’adresse sont à fortiori réprouvable.

Le fait de se vanter sera louable dans le cas où une personne veut que ses paroles touchent plus facilement les cœurs et soient mieux acceptées lorsqu’elle veut orienter, ou enseigner, ou exhorter et éduquer, lorsqu’elle veut réconcilier deux protagonistes, ou si, par ses paroles, elle cherche à se protéger d’un mal, ou pour ordonner le bien et interdire le mal etc., et si, dans le même temps, elle est véridique dans ses propos, dans le sens où son réel niveau de savoir correspond à ce qu’elle dit. En effet, cela apporte, d’une part, un intérêt correspondant aux objectifs de la religion et, d’autre part, c’est une reconnaissance envers le Bienfaiteur, qui se manifeste en parlant de Ses bienfaits, en vertu de ce qu’Allah le Très Haut a dit :

﴿وَأَمَّا بِنِعْمَةِ رَبِّكَ فَحَدِّثْ﴾ [الضحى: 11].

Et quant aux bienfaits de ton Seigneur, parles-en﴿ [Adh-Dhuhâ (le Jour Montant) : 11].

Ce cas de figure louable est appuyé par de nombreux Textes religieux et Athar, parmi lesquels :

– la Parole d’Allah le Très Haut relatant l’histoire de Yûsuf عليه السلام :

﴿قَالَ اجْعَلْنِي عَلَى خَزَائِنِ الأَرْضِ إِنِّي حَفِيظٌ عَلِيمٌ﴾ [يوسف: 55].

Donne-moi la responsabilité des réserves des terres, car je suis intègre et savant﴿ [Yûsuf (Joseph) : 55].

– le verset citant ce qu’a dit l’homme qui avait employé Mûssâ عليه السلام(4) :

﴿سَتَجِدُنِي إِنْ شَاءَ اللهُ مِنَ الصَّالِحِينَ﴾ [القصص: 27].

Tu me trouveras, si Allah le veut, parmi les vertueux﴿ [Al-Qassas (Le Récit) : 27].

– la parole du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم : «Par Allah ! Je suis celui d’entre vous qui craint le plus Allah et le redoute le plus.»(5),

– la parole du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم : «Je suis le maître des enfants d’Adam au Jour de la Résurrection, le premier à qui sa tombe lui sera ouverte, le premier à intercéder et le premier dont on appliquera l’intercession.»(6),

– dans Sahîh d’Al-Bukhârî, il est rapporté que `Uthmân رضي الله عنه, lorsqu’il fut encerclé (par ses adversaires), il se mit au-devant eux et dit à ses assaillants : «Je vous demande par Allah et je ne demande qu’aux Compagnons du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم : ne savez-vous pas que le Messager d’Allah صلَّى الله  a dit : ‘Quiconque creuse le puits de Rûma aura le Paradis’ et je l’ai creusé ? Ne savez-vous pas qu’il a dit : ‘Quiconque équipe l’armée en période critique aura le Paradis.’ et je lai équipée ?» Le rapporteur dit : «Ils ont confirmé ce qu’il disait.»(7),

– ce qu’a dit Sa`d Ibn Abî Waqqâs رضي الله عنه : «Par Allah ! Je suis le premier homme parmi les Arabes à avoir tiré une flèche dans le sentier d’Allah.»(8) le hadith,

– ce qu’a dit Ibn Mas`ûd رضي الله عنه : «Par Allah ! J’ai appris plus de soixante-dix sourates de la bouche du Messager d’Allah صلَّى الله عليه وسلَّم. Par Allah ! Les Compagnons du Messager d’Allah صلَّى الله عليه وسلَّم savent que je suis l’un d’eux qui connaît le mieux le Livre d’Allah, bien que je ne sois pas le meilleur d’eux. [Si je connaissais quelqu’un de plus savant que moi, je voyagerais jusqu’à lui].»(9),

– lorsqu’Abû Mûssâ Al-Ach`arî رضي الله عنه a interrogé `Â'icha رضي الله عنها sur ce qui oblige le lavage complet, elle dit : «Tu es tombé sur qui est bien renseigné, le Messager d’Allah صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : «Lorsqu’il s’asseyait entre ses quatre membres et que les deux membres circoncis se touchent, le lavage est obligatoire..»(10),

– lorsqu’Ibn `Abbâs رضي الله عنهما fut interrogé sur le cas d’une chamelle qui ne peut plus avancer, il dit, en parlant de sa personne : «Tu es tombé sur celuiqui est bien renseigné(11).

An-Nawawî رحمه الله a dit : «Ce genre de parolessont innombrables.»(12) Ce genre de vantardise est, donc, permis ou, plutôt, recommandée et «les actes ne valent que par les intentions ; l’homme ne sera rétribué que selon son intention»(13).

 

La science est auprès d’Allah Très Haut ; et notre dernière invocation est : louange à Allah, Seigneur des univers, et que la prière et le salut soient sur Mohammed, sur sa famille, ses Compagnons ainsi que sur ses frères jusqu’au Jour du Jugement Dernier.

 

Alger, le 22 de Muharram 1434 H

Correspondant au 6 décembre 2012.



(1) Voir : Al-Adhkâr d’An-Nawawî (p246-248).

(2) Voir : Mu`jam Al-Manâhî Al-Lafzhiyya de Bakr Abû Zayd (p150).

(3) Zâd Al-Ma`âd d’Ibn Al-Qayyim (2/475).

(4) Les savants ont divergé au sujet du vieil homme qui avait employé Mûssâ عليه السلام : il est répandu chez beaucoup de savants qu’il s’agit de Chu`ayb عليه السلام, comme l’ont avancé Al-Hassan Al-Basrî, Mâlik Ibn Anas et d’autres. Ceci est également cité dans un hadith mais sa chaîne de transmission n’est pas authentique selon Ibn Kathîr. On dit aussi qu’il s’agit du neveu de Chu`ayb عليه السلام, comme cela est rapporté d’Ibn Mas`ûd رضي الله عنه. Ibn `Abbâs رضي الله عنهما a dit : «Celui qui a employé Mûssâ عليه السلام est Yathrâ ou Yathrûn, le maître de Madyan». D’autres disent que ce genre de connaissance n’est accessible que par le biais d’un hadith, or, aucun hadith n’existe comme argument dans la question. [Voir : Tafsîr Ibn Kathîr (3/384-385) et Sahîh Qassas Al-Anbiya' d’Ibn Kathîr (p265)].

(5) Rapporté par Al-Bukhârî (5063) d’après Anas Ibn Mâlik رضي الله عنه.

(6) Rapporté par Muslim (2278), d’après Abû Hurayra رضي الله عنه.

(7) Rapporté par Al-Bukhârî (2778).

(8) Rapporté par Al-Bukhârî (3728), et Muslim (2966).

(9) Rapporté par Al-Bukhârî (5000), l’ajout à la fin est rapporté par Muslim (2462).

(10) Rapporté par Muslim (349).

(11) Rapporté par Muslim (1325).

(12) Al-Adhkâr d’An-Nawawî (248).

(13) Rapporté par Al-Bukhârî (1) et Muslim (1907), d’après `Umar Ibn Al-Khâttâb رضي الله عنه.

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