Le jugement relatif à la prière derrière quelqu’un qui pratique la sorcellerie et la voyance | Le site officiel du Cheikh Mohamed Ali FERKOUS
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Mardi 7 Chawwâl 1445 H - 16 avril 2024 G



Fatwa n° 168

Catégorie : Fatwas relatives à la prière – la prière en groupe

Le jugement relatif à la prière derrière quelqu’un
qui pratique la sorcellerie et la voyance

Question :
L’imam de notre mosquée commet des pratiques polythéistes (chirk) : divination, voyance, écriture de talismans, etc. Nous t’avions demandé, respectable chaykh, le jugement relatif à la prière derrière lui et tu nous avais répondu que cela n’était pas permis.

Nous voudrions te faire savoir que dans notre petite ville, il n’existe qu’une seule mosquée et si nous n’y accomplissions pas la prière en groupe, cela entraînera une dissension, puisque le commun des gens va penser que nous accusons, injustement, l’imam de mécréance car ignorant le dogme authentique. En effet, ils ne savent pas que celui qui écrit des talismans et implore le secours des djinns perd, ainsi, la base même de sa foi. Par conséquent, ils ignorent également le jugement relatif à la prière derrière lui. Nous t’avions questionné à ce sujet et tu nous avais répondu qu’il fallait prier derrière lui et refaire, ensuite, la prière.

Nous nous sommes conformés à appliquer cela pendant un certain temps, puis, certains d’entre nous sont devenus négligents alors que d’autres ont changé d’avis disant qu’il nous incombe de ne pas prier derrière lui, afin de l’isoler et de le délaisser complètement jusqu’à ce que son cas devienne clair aux yeux des gens. Tout cela a entraîné les conséquences suivantes :

– Les frères ne se rencontrent plus et les assises de science ont cessé ;

– Les frères ne se conseillent plus les uns les autres ;

– Une négligence quant aux horaires de prière ;

– Le commun des gens perçoit maintenant les frères d’un mauvais œil et dit que ces derniers négligent la prière en groupe ; certains vont même jusqu’à taxer les frères d’hypocrites ;

– Un impact négatif sur la prédication (les gens ont perdu la confiance qu’ils avaient en ces frères) ;

– Un effet négatif sur certains frères qui ont commencé à négliger les horaires de prière et certaines obligations telles que le fait de se laisser pousser la barbe. Certaines nuits (même pendant le Ramadhan), on peut les trouver dans les salles Internet, en train de jouer ou autres.

Notre cheikh, concernant la fatwa ordonnant de faire la prière derrière cet imam, puis de la refaire, suscite également certaines interrogations, parmi lesquelles :

– Lorsque l’un de nous entre dans la mosquée alors que l’imam est en train de prier, doit-il faire la prière du salut de la mosquée –puisqu’elle est obligatoire pour lui– ou bien doit-il rejoindre, directement, l’imam dans sa prière ?

– Quand nous prions derrière cet imam, devons-nous faire une prière normale, en disant le Takbîr, en récitant la Fâtiha, etc. ou bien devons-nous faire de simples gestes sans rien dire ?

– Devons-nous répéter l’appel à la prière derrière cet imam ?

– Vaut-il mieux, d’abord, faire la prière obligatoire tout seul à la mosquée pour, ensuite, faire la prière derrière cet imam, ou le contraire, sachant que cet imam s’absente de temps en temps ?

Qu’Allâh te bénisse et nous fasse profiter de ton savoir.

 

Réponse :

Sache que la sorcellerie, la divination et la voyance, vu qu’elles comportent le fait de prétendre connaître l’invisible, de s’associer à Allâh dans son savoir et d’emprunter les voies qui y mènent –tout cela relève du Chirk (polythéisme) et de la mécréance–, sont des pratiques polythéistes et l’œuvre du démon, qu’il suscite chez l’être humain en répandant en lui son souffle, ses soupirs, ses calomnies et ses anxiétés. La majorité des savants disent que le sorcier est un mécréant ; c’est ce qui est rapporté des Compagnons et c’est l’avis d’Aboû Hanîfa, de Mâlik, d’Ahmad et d’autres(1). Il est clairement dit dans le Livre d’Allâh que la sorcellerie est de la mécréance. Allâh dit :

﴿وَاتَّبَعُوا مَا تَتْلُوا الشَّيَاطِينُ عَلَى مُلْكِ سُلَيْمَانَ وَمَا كَفَرَ سُلَيْمَانُ وَلَكِنَّ الشَّيْاطِينَ كَفَرُوا[البقرة: 102].

Sens du verset :

Et ils suivirent ce que les démons récitaient à propos de Soulaymân, alors que Soulaymân n’a pas mécru, mais les démons ont mécru.﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v. 102]

La mécréance des démons, qui est clairement exprimée dans le verset, est liée au fait d’enseigner aux gens la sorcellerie. En effet, le fait que le jugement découle d’une caractéristique indique que cette dernière est la cause du jugement. Le verset montre aussi que le sorcier :

﴿مَا لَهُ فِي الآخِرَةِ مِنْ خَلاَقٍ[البقرة: 102].

Sens du verset :

n’aura aucune part dans la vie future﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v. 102] et ce genre d’individus n’est pas de ceux qui réussissent, comme il est dit dans le verset :

﴿وَلاَ يُفْلِحُ السَّاحِرُ حَيْثُ أَتَى[طه: 69].

Sens du verset :

Et le sorcier ne réussit pas quel que soit l’endroit où il se rend﴿ [s. Tâha : v. 69] On ne renie la réussite de façon totale, sous toutes ses formes et en tous endroits, que dans le cas de celui qui est complètement dénué de bien, et celui-ci n’est autre que le mécréant. Il est dit dans un hadith : “Les incantations, les talismans et la Tiwala(2) sont de l’associationnisme [Chirk].’’(3).

Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم dit dans un autre hadith : Celui qui va chez un voyant ou un sorcier, qui l’interroge et croit ce qu’il dit, a mécru de ce qui a été révélé à Mouhammad.’’(4).Il dit aussi : ‘‘Ne fait pas partie de nous celui qui pratique l’augure ou celui pour qui on la pratique, celui qui pratique la voyance ou celui pour qui on la pratique, celui qui pratique la sorcellerie ou celui pour qui on la pratique.’’(5). Il est bien connu que les Compagnons ordonnaient de tuer ces sorciers, et cette base ne peut être établie que si le sorcier est un mécréant et un apostat, puisque le sang des musulmans est interdit, sauf ce dont la religion a fait exception. Le Prophète dit : ‘‘Le sang d’un musulman qui témoigne qu’il n’est de divinité qu’Allâh et que je suis le Messager d’Allâh n’est licite que dans trois cas : tuer une personne pour une autre, le fornicateur déjà marié et celui qui sort de la religion et délaisse le groupe.’’(6) S’il n’est ni un fornicateur qui est déjà été marié ni un meurtrier, il ne reste qu’une possibilité qui est la mécréance et l’apostasie.

Ainsi, si ces pratiques polythéistes sont avérées de la part de cet imam qui persiste à les commettre, alors la prière qu’il dirige n’est valable ni pour lui-même ni pour celui qui prie derrière lui, et qui connaît son cas. Également, on ne peut manger la viande de la bête qu’il égorge. La prière de celui qui n’est pas au courant de son cas est valable, puisqu’il se base sur sa vertu apparente et suppose qu’il est dans la droiture, jusqu’à ce que le contraire soit confirmé. Il incombe, en outre, de le conseiller et de l’orienter vers la vérité. S’il se repent et cesse ses activités démoniaques, alors, louange à Allâh. Dans le cas contraire, les gens de la mosquée doivent se tourner vers les responsables des affaires religieuses pour le démettre de ses fonctions. Si ces derniers le laissent en poste malgré cela, les gens doivent prier dans une mosquée dont l’imam suit la Sounnah, tant que cela leur est possible. Et s’ils ne peuvent accomplir la prière en groupe que dans cette mosquée, alors il ne leur reste plus qu’à appliquer la parole d’Ibrâhîm :

﴿وَأَعْتَزِلُكُمْ وَمَا تَدْعُونَ مِن دُونِ اللهِ وَأَدْعُو رَبِّي عَسَى أَلاَّ أَكُونَ بِدُعَاء رَبِّي شَقِيًّا[مريم: 48].

Sens du verset :

Et je m’écarte de vous et de ce que vous invoquez en dehors d’Allâh et j’invoquerai mon Seigneur, en espérant ne pas être déçu en invoquant mon Seigneur.﴿ [s. Maryam : v. 48]. Alors, là, ils auront une excuse spécifique. As-Soûyoûtî رحمه الله a mentionné dans Al-Achbâh Wa-n-Nadhâ’ir les différentes justifications qui permettent de ne pas assister à la prière en commun et qui s’élèvent à près de quarante excuses(7). Et parmi les choses qu’Ibn Al-Qayyim a citées : “Le boycott des musulmans est une excuse qui leur permet de ne pas assister à la prière en groupe’’(8) [c’est-à-dire lorsqu’ils le boycottent pour une raison valable], car Hilâl ibn Oumayya et Mourâra ibn Ar-Rabî‘ restaient dans leurs maisons ; ils y priaient et n’assistaient pas à la prière en groupe.”(9).

Délaisser la prière en groupe pour cette raison ou pour une autre qui le permet n’entraîne aucun péché. Au contraire, le péché s’écroule et on gagne le mérite et la récompense de la prière en groupe, car le Prophète صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم a dit : “Tu ne délaisseras pas une chose pour Allâh sans qu’Il ne te donne en échange quelque chose de meilleur encore pour toi.(10) Et il a dit : “Quand l’individu tombe malade ou part en voyage, il lui est écrit l’équivalent de ce qu’il faisait lorsqu’il était résident et en bonne santé.(11)

Concernant ce que vous avez repris de moi, qui est le fait de prier derrière lui de façon continue et de refaire, ensuite, la prière pour préserver l’accomplissement de la prière en groupe : ce que je sais est qu’il est obligatoire de refaire la prière accomplie derrière lui pour celui qui connaît son cas et non pas de continuer à faire la prière derrière lui et de refaire la prière après. En effet, il n’est pas valable religieusement d’ordonner de faire une prière dont on sait qu’elle est nulle, à l’instar d’une prière que l’on accomplit sans purification préalable.

Pour terminer, je ne peux que conseiller ce que Louqmân a conseillé à son fils :

﴿يَا بُنَيَّ أَقِمِ الصَّلاَةَ وَأْمُرْ بِالْمَعْرُوفِ وَانْهَ عَنِ الْمُنكَرِ وَاصْبِرْ عَلَى مَا أَصَابَكَ إِنَّ ذَلِكَ مِنْ عَزْمِ الأُمُورِ[لقمان: 17].

Sens du verset :

O, mon fils ! Accomplis la prière, ordonne le bien et interdis le mal et patiente vis-à-vis de ce qui te touche ; cela fait, certes, partie de la détermination dans les affaires.﴿ [s. Louqmân : v. 17]

Le savoir parfait appartient à Allâh, et notre dernière invocation est qu'Allâh, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa famille, ses Compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

 

Alger, le 28 de Chawwâl 1425 H

correspondant au 11 décembre 2004 G.

 



(1) Cf. : Tafsîr Al-Qoûrtoubî (2/47) et les pages qui suivent.

(2) Tiwala est une chose par laquelle la femme s’attire l’amour de son mari et c’est une sorte de sorcellerie.

(3) Rapporté par Ahmad dans le Mousnad (1/381) et par Aboû Dâwoûd (3883) ; jugé haşane (bon) par Ahmad Châkir dans sa recension du Mousnad (5/219) et jugé sahîh par Al-Albâni dans As-Silsila As-Sahîha (1/2/648).

(4)  Rapporté par Aboû Ya‘la dans le Mousnad (9/280) d’après Ibn Mas‘oûd رضي الله عنه ; Ibn Hadjar a jugé sa chaîne de « djayyid » dans Al-Fath (10/228) et Al-Albânî a dit dans Sahîh At-Targhîb Wa At-Targhîb (3048) qu’il est « sahîh mawqoûf ».

(5) Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Kabîr (18/162) et Al-Bazzâr dans Al-Mousnad (9/52), d’après ‘Imrân ibn Housayne رضي الله عنه ; Al Moundhirî a jugé sa chaîne de « djayyid » dans At-Targhîb Wa At-Targhîb (4/88) et Al-Albânî l’a jugé haşane (bon) dans As-Silsila As-Sahîha (6/311).

(6) Rapporté par Al-Boukhâri (3/415) et par Mouslim (2/798) (n° 1676), d’après ‘Abd Allâh ibn Mas‘oûd رضي الله عنه.

(7) Al-Achbâh Wa An-Nadhâ’ir d’As-Soûyoûtî (439-440).

(8) Zâd Al-Ma‘âd d’Ibn Al-Qayyim (3/580).

(9) Référence précédente.

(10)  Rapporté par Ahmad dans le Mousnad (5/363), jugé sahîh (authentique) par Al-Albânî dans As-Silsila Ad-Da‘îfa (1/61).

(11)  Rapporté par Al-Boukhârî (2/85), d’après Aboû Moûşâ Al-Ach‘arî رضي الله عنه.