Fatwa n° 57

Catégorie : Fatwas relatives à la prière – La prière du voyageur

Du jugement relatif à la limite de la distance
qui permet de raccourcir la prière.

Question :

Les gens de science ont divergé sur la délimitation de la distance du voyage. Il y a parmi eux ceux qui voient qu’il s’agit du moindre voyage effectué sur terre, du fait que les preuves sont absolues. Et il y a d’entre eux ceux qui fixent la distance à quatre-vingt (80) kilomètres, qui est l’équivalent du parcours d’un jour et une nuit pour les chameaux ou les piétons ayant une marche normale, étant la distance considérée par l’usage qu’elle est un voyage, contrairement à celle qui est inférieure.

En effet, Ô notre cheikh ! Que doit-on croire à ce sujet ? De plus, il est authentiquement rapporté que le Prophète صَلَّى اللهُ عليه وآلِه وسَلَّمَ a dit : « Il n’est pas permis à une femme, croyant en Allâh et au Dernier Jour, d’entreprendre un voyage d’un jour et d’une nuit sans être accompagnée d’un Mahram(1) »(2), ne comprend-t-on pas de ce hadith, ô notre cheikh qu’Allâh vous bénisse, la limitation de la distance du voyage de la part du Prophète صَلَّى اللهُ عليه وآلِه وسَلَّمَ  ? Ce hadith indique par son sens qu’il est permis à une femme de parcourir une distance inférieure à la durée d’un jour et une nuit et sans être accompagnée d’un Mahram. C’est comme s’il faisait allusion qu’un parcours qui ne dure pas un jour et une nuit n’est pas une distance de voyage. Car le fondement concernant le voyage d’une femme, est qu’elle soit avec un Mahram tel qu’il est mentionné dans le hadith ; et Allâh en est plus Savant. Faites-nous profiter, ô notre cheikh, qu’Allâh vous accorde la meilleure récompense de la part des musulmans.

Enfin, je présente mes excuses encore une fois pour mon manque de soin dans la façon de questionner en religion, en demandant Allâh qu’Il vous accorde la meilleure rétribution pour les efforts que vous prodiguez pour les musulmans, et qu’Il allonge votre vie, ô notre vertueux cheikh !

 

Réponse :

La Louange est à Allâh, Le Seigneur des mondes. Et que la prière et le salut soient sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour l’univers, ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Rétribution. Cela dit :

Ce qui convient de savoir est qu’il n’a y a pas ni dans le hadith du voyage de la femme ni dans son contexte la mention du raccourcissement. Cela premièrement. Et il n’y a pas, deuxièmement, d’implication entre la désignation d’un Mahram pour la femme et l’obligation d’écourter [la salât] pour les autres voyageurs, car la cause de chaque cas est différente. En effet, la cause de la Légalité du Mahram ne revient pas au voyage-même, mais il lui est légiféré comme précaution pour sa réputation et sa dignité, et en tant que protection pour elle contre les dangers de l’agression et contre la convoitise de ceux qui ont une maladie dans le cœur.

Ainsi l’interdiction du voyage pour elle n’est pas pour soi, mais il lui est interdit, de le faire sans Mahram, afin de bloquer la voie [au péché et autre]. Contrairement à la cause de la Légalité de la permission relative au raccourcissement (de la salât) ; celle-ci est due au voyage-même, abstraction faite du sexe du voyageur (homme ou femme), ce qui fait qu’ils soient séparés [dans les jugements]. Ainsi on ne tient plus à l’apparence du hadith susmentionné pour en établir le jugement de [la distance] du voyage. Car l’implication entre les deux causes n’est pas établie.

Troisièmement, on trouve point que dans ce hadith qu’il mentionne que le voyage se restreint seulement d’une duré d’un jour et une nuit, mais il est dit qu’il n’est pas permis à une femme de voyager sans Mahram en ce voyage spécifique. En outre, il est attesté que le Prophète صلَّى اللهُ عليه وآلِه وسلَّم quand « il parcourait une distance de trois miles(3) ou de trois farsakh(4) [Chou‘ba a eu un doute], il écourtait la salât en deux unités »(5). Voire il est attesté de la part de certains compagnons qu’ils écourtaient la salât en moins de cette distance. Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما a dit : « [Le prieur] raccourcit la salât à la distance de trois miles »(6), et il y a à ce sujet d’autres paroles rapportées(7).

Et si on admet, par simple contestation, l’indication du hadith qui interdit le voyage d’une femme de la distance d’un jour et une nuit, du fait que le Prophète صلَّى اللهُ عليه وآلِه وسلَّم l’ait dénommé «voyage», et que cette distance est le minima, car l’autre hadith ou version : « … qu’elle voyage la distance d’un Barîd »(8)n’est pas attesté, la réponse à cela est [qu’un voyage qui dure] plus d’un jour et une nuit est englobé par le hadith (d’un jour et une nuit), et le sens du voyage sera déduit à partir du contenu de la parole. Néanmoins, cela n’implique qu’il est non-légal de raccourcir la salât à une distance inférieure à un jour et une nuit que par le biais de la compréhension (déduction) inverse [c’est-à-dire de donner, à un sens qui n’est pas prononcé, un jugement contraire à celui qui est prononcé]. Ici cette argumentation ne convient pas pour être une preuve chez ceux qui la conçoivent, en raison de l’inexistence de sa condition qui permet de la mettre en considération. Cette condition consiste à ne pas la citer spécifiquement en guise d’affirmation, tel qu’il est mentionné dans Moudhakkira (le Mémoire) d’Ach-Chanqîtî(9). En effet, considérer cette mesure comme un voyage ne contredit pas le fait de considérer une mesure inférieure comme un autre voyage.

De plus, si nous admettons que c’est une preuve, il ne conviendra pas toutefois d’en tirer un argument sauf s’il sera établi chez les linguistes et dans le langage des savants religieux que celui qui voyage à une distance inférieure à un jour et une nuit ne sera pas nommé voyageur. C’est pourquoi les appréciations émises dans ces hadiths ne portent pas d’indication qu’il n’est pas permis d’écourter la salât [en une distance] inférieure à un jour et une nuit. Ibn Qoudâma رحمه الله a dit : « deuxièmement : l’appréciation s’arrête au Texte. Il est interdit d’y recourir par une simple opinion, notamment lorsqu’elle est dépourvue d’une base juridique à laquelle elle se retourne ou d’un cas similaire qui lui sert d’analogie. La preuve de ceux qui ont autorisé le raccourcissement pour tout voyageur est prépondérante.» Ces hadiths portent a fortiori une probabilité que le voyageur entreprendra un voyage au-delà de cette mesure, et qu’elle soit la limite de son voyage comme cela a été établi par Ach-Chawkânî dans As-Sayl, d’ailleurs il a dit : « Il est obligatoire de considérer ce qui est conforme d’être désigné comme étant un voyage, et que celui qui l’entreprend est un voyageur. Et il n’y a pas de doute que les linguistes donnent le nom de voyageur à celui qui plie ses bagages et a l’intention de sortir de sa région de résidence à un autre endroit, celui-ci est conforme d’être nommé voyageur et qu’il se déplace sur terre ; et ils ne donnent pas le nom de voyageur à celui qui sort par exemple à un endroit proche de sa ville pour accomplir un quelconque objectif. Ainsi, quiconque a l’intention de voyager, il écourtera la salat même s’il se trouverait à une distance d’un milede sa ville(10). Ibn Al-Qayyim a dit : «Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم n’a pas délimité pour sa communauté une distance précise dans le raccourcissement et dans la rupture du jeûne. Il l’a plutôt laissé indéfinie par rapport au moindre voyage effectué sur terre, comme il leur a laissé indéfini At-Tayamoum (les ablutions sèches) dans tout voyage. Quant aux hadiths qu’on attribue au Prophète – prière et salut sur lui – dans lesquelles il donne la limite d’une ou deux ou trois journées, ces hadith ne sont guère authentiques »

Et Ibn Taymiyya l’a précédé en donnant prépondérance à ce sens au voyage, où la salât sera raccourcie(11) ; et il en a donné prépondérance au fait qu’il est permis de l’écourter dans chaque voyage, qu’il soit court ou long, comme l’ont fait les Mecquois derrière le Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلَّم à ‘Arafa et à Minâ, et entre la Mecque et ‘Arafa à environ quatre Farsakh, il a dit ainsi : « C’est pourquoi un autre groupe parmi les compagnons d’Ahmed et autres a dit qu’il raccourcit la salât au voyage, autant le long que le court, car le Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلَّم n’a déterminé ni une distance ni un temps pour le raccourcissement. Les Mecquois ont écourté derrière lui à ‘Arafa et Mouzdalifa ; et ceci est le dire de beaucoup de prédécesseurs et de successeurs, c’est l’avis le plus correct au sujet de l’argument. Mais il faut que cela soit dans ce qui est considéré être un voyage par l’usage, comme de préparer la provision et de sortir au Mousalla(12) »(13) Et il a dit à un autre endroit : « Tout nom qui n’a pas de définition dans la langue ni dans la charia, la référence à son sujet sera l’usage. Ainsi, ce qui est considéré comme un voyage dans l’usage des gens, est le voyage auquel le Législateur a relié le jugement. »(14)

Pour moi, cela est appuyé par le fait que la salât du Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلَّم qu’il dirigea aux Mecquois et autres parmi les gens qui se situaient aux machê‘ir (les lieux du rituel) à Minâ, Mouzdalifa et à ‘Arafa, lors du pèlerinage d’Adieu, était raccourcie, tel qu’il est rapporté dans ses actes et sa voie.

En effet, si les Mecquois et les pèlerins étaient non-voyageurs, il leur aura ordonné de compléter leur salât [à Minâ, à Mouzdalifa et à ‘Arafa], mais puisqu’ils se sont préparés et ont plié leurs bagages, ils sont considérés comme étant des voyageurs malgré que leur voyage fût court, pourtant les jugements [de voyage] propres aux gens venant de loin ont été appliqués à eux. Cette même conduite a été suivie après lui par Aboû Bakr et ‘Oumar رضي الله عنهما, et par ceux qui sont venus après eux parmi les gens des siècles méritoires, sans réprobation.

Et notre dernière invocation est : « Louange à Allâh, le Seigneur des mondes ». Et qu’Allâh prie sur notre Prophète Mouhammad, sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Rétribution, et qu’Il les salue.

 


(1) Mahram (pour la femme) est tout homme qu’il lui est absolument interdit d’épouser, à cause d'un lien de sang, d’alliance ou d’allaitement. (NDT).

(2) Rapporté par : Al-Boukhârî (1088) et Mouslim (1339), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.

(3) Mesure itinéraire de quatre mille coudées, chez les spécialistes du hadith. (NDT).

(4) C’est une ancienne unité de distance perse correspondant à environ 5,6 km. (NDT).

(5) Rapporté par Al-Bayhaqî (5446), et Mouslim (691) en ces termes : «Quand le Messager d’Allâh صَلَّى اللهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ parcourait la distance de trois miles, ou de trois farsakh, Chou‘ba est douteux, il priait deux cycles (rak`at) », d’après Anas ibn Mâlik رضي الله عنه.

(6) Rapporté par Ibn Abî Chayba dans Al-Mousannaf (8120), et authentifié par Al-Albânî dans Al-Irwâ’ (3/18).

(7) Voir les textes rapportées de la part des compagnons رضي الله عنهم dans Mousannaf ‘Abd Ar-Razzâq et dans Mousannaf Ibn Abî Chayba. Certaines d’entre ont été mentionnées dans Al-Irwâ’ (3/16), et les pages suivantes.

(8) Rapporté par Aboû Dâwoûd (1725), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه. Le cheikh Al-Albânî a jugé que ce hadith est Châdh dans sa recension des Sounane d’Aboû Dâwoûd (1725), et il l’a authentifié par dans Sahîh Al-Djâmi‘ (7302).

(9) Moudhakkirat Ach-Chanqîtî (241).

(10) As-Sayl Al-Djarrâr d’Ach-Chawkânî (1/308).

(11) Madjmoû‘ Al- Fatâwâ d’Ibn Taymiyya (24/12-15).

(12) C’est un lieu, non bâti, consacré à une prière occasionnelle comme les prières de l’aïd, ou les prières funéraires ou autres, sans être dédié spécialement aux cinq prières. (NDT).

(13)  Madjmoû‘ Al-Fatâwâ d’Ibn Taymiyya (24/15).

(14) Idem, (24/40).

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