Fatwa n° : 1104

Catégorie : Fatwas concernant le Manhaj

De la sentence de l’autorisation du gouverneur relative aux manifestations et aux marches de protestation

Question :

Si le gouverneur donne la permission de faire des mani­festations et des marches de protestation signifie-t-il que ces actions deviennent permises religieusement ? Est-il permis d’y participer ? Qu’Allah vous récompense.

Réponse :

Louange à Allah, Maître des Mondes; et paix et salut sur celui qu'Allah عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu'au Jour de la Résurrection. Ceci dit :

Les manifestations, les marches de protestation, les grèves et les sit-in vont à l’encontre de la voie de l’Islam relative à la politique et à la gouvernance. Elles ne font pas partie des agissements des musulmans ni des moyens pour ordonner le bien et interdire le mal et ne sont pas de la religion islamique qu’Allah a légiférée à Ses créatures. Au contraire, les mani­festations et autres pratiques qui leur ressemblent n’amènent la plupart du temps que des troubles, des dommages et des mauvaises conséquences, tels que la tuerie, la destruction des immeubles, la perte des biens, l’arrêt du travail, l’expansion du désordre, la mixité entre les hommes et les femmes, et vagues de troubles et de maux que la nature saine réprouve et que l’Islam interdit.

Le fait que les manifestants ou les grévistes revendiquent leurs droits et cherchent à atteindre de nobles objectifs ne justifient pas les moyens employés pour y arriver, car l’Islam refuse la règle machiavélique disant : «La fin justifie les moyens», qui autorise l’individu d’atteindre des buts nobles et légiférés religieusement par n’importe quel moyen, quand bien même ce moyen serait interdit dans les lois religieuses et réprouvé par la nature saine, la noble éducation et l’usage.

On n’accède à ses droits que par une demande conforme à la loi religieuse et ce, en employant les moyens légiférés ou en créant des alternatives valables qui permettent de se passer des moyens interdits. Ibn Taymiyya رحمه الله a dit : «Tout moyen par lequel l’individu arrive à son but n’est pas pour autant légiféré ni licite, il ne sera permis que si son intérêt l’emporte sur son inconvénient, dans ce que la loi religieuse a permis»(1). Pour cela, aller à l’encontre de la religion dans les moyens est comme le faire dans les objectifs ; tous deux sont compris par la menace présente dans la parole d’Allah عزَّ وجلَّ:

﴿فَلْيَحْذَرِ الَّذِينَ يُخَالِفُونَ عَنْ أَمْرِهِ أَنْ تُصِيبَهُمْ فِتْنَةٌ أَوْ يُصِيبَهُمْ عَذَابٌ أَلِيمٌ﴾ [النور: 63].

Que ceux qui s’opposent à Son commandement craignent que ne les touche un trouble ou que ne les touche un châtiment douloureux.﴿ [An-Noûr (La lumière) : 63].

Sa parole : son commandement﴿ est un mot indéfini annexé à un mot défini ; il indique, donc, la généralité et englobe les domaines des moyens et des objectifs. Ainsi, quiconque prend en considération la validité religieuse des objectifs et néglige celles des moyens est comme celui qui pratique une partie de la religion et en délaisse l’autre partie. Or, Allah عزَّ وجلَّ a dénigré cette façon d’agir et l’a reprochée aux juifs en disant :

﴿أَفَتُؤْمِنُونَ بِبَعْضِ الْكِتَابِ وَتَكْفُرُونَ بِبَعْضٍ فَمَا جَزَاءُ مَنْ يَفْعَلُ ذَلِكَ مِنْكُمْ إِلَّا خِزْيٌ فِي الْحَيَاةِ الدُّنْيَا وَيَوْمَ الْقِيَامَةِ يُرَدُّونَ إِلَى أَشَدِّ الْعَذَابِ وَمَا اللَّهُ بِغَافِلٍ عَمَّا تَعْمَلُونَ﴾ [البقرة: 85].

Croyez-vous donc à une partie du livre et en reniez une partie ? Et bien, la punition de celui parmi vous qui fait cela ne sera qu’humiliation dans la vie d’ici-bas et au Jour de la Résurrection, on les renverra au châtiment le plus dur. Et Allah n’est pas inattentif à ce que vous faites.﴿ [Al-Baqara (La Vache) : 85].

Ce verset prouve clairement que la foi implique de faire ce qui est ordonné et de délaisser les interdits, que ce soit dans le domaine des objectifs ou celui des moyens.

En outre, les manifestations, les marches et les grèves font partie du système démocratique qui considère ces moyens comme une pratique saine. En effet, les législations humaines fondées sur ce système permettent au peuple et à ses différents groupes d’utiliser ces façons d’agir pour chercher à améliorer la situation politique, sociale, éducative ou du travail et pour revendiquer des changements remédiant aux maux qui touchent le peuple et menant à ce qui est meilleur A partir de là, le gouverneur donne sa permission en se basant sur les principes du système démocratique et en appliquant ses lois qui accordent la souveraineté au peuple, qui se réforme par lui-même. Cela, sans aucun doute, est rejeté religieusement par tout monothéiste, car Allah n’agrée pas qu’on lui associe autrui dans Sa seigneurie et Son jugement, ni dans Sa divinité et Son adoration et Il n’a pas autorisé autrui à légiférer. Il dit عزَّ وجلَّ:

﴿وَلَا يُشْرِكُ فِي حُكْمِهِ أَحَدًا﴾ [الكهف: 26].

Et Il n’associe personne dans Son jugement.﴿ [Al-Kahf (La Caverne) : 26].

﴿أَمْ لَهُمْ شُرَكَاءُ شَرَعُوا لَهُمْ مِنَ الدِّينِ مَا لَمْ يَأْذَنْ بِهِ اللَّهُ﴾ [الشورى: 21].

Ou auraient-ils des associés qui leur ont légiféré de la religion ce qu’Allah n’a pas autorisé ?﴿ [Ach-Choûrâ (La Consultation) : 21].

Supposons, maintenant, que la permission des gouver­neurs concernant les manifestations et les marches n’est pas inspirée des Constitutions démocratiques : sa permission n’influe pas pour autant sur le statut et ne peut rendre bon ce qui est blâmable ni rendre licite ce qui est interdit, car celui qui autorise et qui interdit en Islam n’est autre que le Sage Législateur Lui-Même. C’est à Lui qu’est due l’obéissance absolue et on n’obéit à autre qu’à Lui que par obéissance envers Lui et que dans ce qui est convenable et non dans le péché, car le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : «L’obéissance n’est que dans ce qui est religieusement convenable.»(2).

De plus, le plus sûr pour la religion du musulman est de ne pas chercher à arriver au bien et à de nobles objectifs au moyen du mal et du désordre ; on ne parvient aux différents actes d’obéissance et aux différentes bonnes œuvres dont l’intérêt est supérieur à l’inconvénient qu’en empruntant les moyens que la religion a autorisés.

Le savoir parfait appartient à Allah عزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu'Allah, Seigneur des Mondes, soit Loué et que paix et salut soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu'au Jour de la Résurrection.

 

Alger, 16 Rabî`Ath-Thânî 1432H

Correspondant au 21 mars 2011G

 



(1) Moukhtassar Al-Fatâwa Al-Misriyya d’Ibn Taymiyya (p.169).

(2) Rapporté par Al-Boukhâri dans «Al-Ahkâm» n°7145, et Mouslim dans «Al-Imâra» n°1840, d’après `Ali Ibn Abi Tâlib رضي الله عنه.

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