Article mensuel n° 52

Délimitation du voile
de la femme musulmane

 

Question :
Certains, parmi ceux qui se sont engagés aujourd’hui dans l’orientation des gens, disent que la délimitation du voile dépend de l’usage, et l’objectif du voileest de couvrir le corps de la femme. Sur ce, le Djilbâb, ou l’habit qui couvre tout le corps, n’est pas le voile modèle obligatoire de nos jours. Il a été imposé, plutôt, par l’usage des Compagnons ; et nous ne sommes pas enjoints de suivre leurs usages. En conséquence, si une femme porte une jupe et une chemise, une robe ou autre chose qui couvre son corps, elle sera alors porteuse du voile qu’Allâh lui a prescrit. Quelle est la véracité de ce propos ?

Réponse :
Louange à Allâh, Maître des Mondes, et paix et salut soient sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :

L’auteur de ces propos s’est appuyé, pour délimiter le voile, sur le fait de couvrir le corps de la femme de manière générale, et l’a lié à l’usage des Compagnons رضي الله عنهم. En fait, cette vision fondatrice n’est pas valable à l’argumentation, pour deux raisons :

La première : La définition religieuse du fait de couvrir le corps de la femme, visé par l’institution du voile, doit répondre à une série de conditions exigées, tirées des textes du Livre (Coran) et de la Sounna, afin d’accorder à l’habit de la femme musulmane la caractéristique religieuse prescrite.

Ainsi, parmi les conditions religieuses que l’habit de la femme musulmane doit réunir, il y a les points suivants :

– L’habit doit comprendre toute partie du corps que la femme doit cacher, afin de se voiler des étrangers(1). D’ailleurs, c’est pour cela qu’il est appelé « voile », car il voile son corps des étrangers(2). Quant aux Mahârim(3), la femme ne doit leur dévoiler que les endroits de parure(4). La compréhension de l’habit inclut :

– Le Khimâr : qui recouvre sa tête, son cou, ses oreilles et sa poitrine ; elle doit le rabattre sur sa poitrine et l’attacher convenablement, conformément au verset dans lequel Allâh عزّ وجلّ dit :

﴿وَلْيَضْرِبْنَ بِخُمُرِهِنَّ عَلَى جُيُوبِهِنَّ [النور: 31].

Sens du verset :

…Et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines. ﴿[s.  En- Noûr (la Lumière) : v. 31]

– Le Djilbâb, le Ridâ’ ou la Milhafa, qui est appelé aussi Moulâ’a, avec lesquels la femme se couvre et qu’elle porte sur son Khimâr, son Dir‘(5) ou son Qamîs (vêtement que l’on porte sous le voile extérieur) : la femme couvre, au moyen de ses habits, toute partie de son corps qui doit être voilée de la tête aux pieds. Cela est soutenu par le verset dans lequel Allâh عزّ وجلّ dit :

﴿يَا أَيُّهَا النَّبِيُّ قُلْ لِأَزْوَاجِكَ وَبَنَاتِكَ وَنِسَاءِ الْمُؤْمِنِينَ يُدْنِينَ عَلَيْهِنَّ مِنْ جَلاَبِيبِهِنَّ ذَلِكَ أَدْنَى أَنْ يُعْرَفْنَ فَلاَ يُؤْذَيْنَ وَكَانَ اللهُ غَفُورًا رَحِيمًا [الأحزاب: 59].

Sens du verset :

Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles ; elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées. Allâh est Pardonneur et Miséricordieux. ﴿[s. Al-Ahzâb (les Coalisés) : v. 59]

Aussi, nous devons tenir compte de deux cas en ce qui concerne la longueur de l’habit de la femme : une longueur recommandée, qui dépasse les chevilles d’un empan, et une longueur permise d’une coudée(6)(limite à ne pas dépasser). Cela est soutenu par le hadith rapporté par ’Oum Salama رضي الله عنها qui a dit au Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم quand il a parlé du Izâr (sorte de pagne) : «Et la femme, ô Prophète d’Allâh ?». Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم dit alors : «Qu’elle le rabatte d’un empan.» Oum Salama رضي الله عنها dit : «Alors, elle sera dévoilée». Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم dit : «Qu’elle le rabatte d’une coudée et pas plus(7)

– L’habit doit être large et ample, pour ne pas préciser une partie de son corps, car l’habit étroit qui précise les traits du corps ne correspond pas au voile religieusement exigé, car il détermine les détails du corps et rend ce dernier visible. En effet, l’interdiction de l’habit étroit a été citée dans le hadith rapporté par Ouşâma Ibn Zayd رضي الله عنهما qui a dit : «Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم m’a accordé un habit copte opaque que Dihyah Al-Kalbi lui a accordé, et je l’ai donné à ma femme. Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم m’a dit : “Pourquoi ne portes-tu pas l’habit copte ?” J’ai dit : “Ô Prophète d’Allâh, je l’ai accordé à ma femme”. Il a dit : “Ordonne-lui de mettre une Ghilâla(8) dessous, car je crains qu’il ne précise les traits de son corps”(9) Et il est connu que même si l’habit est épais, son opacité n’empêche pas de délimiter les traits du corps ou ses organes s’il est étroit.

– L’habit doit être opaque et ne doit pas être transparent, de peur de montrer la couleur de la peau de la femme. L’interdiction de cela a été établie dans le hadith Marfou‘(10) rapporté par Aboû Hourayra رضي الله عنه dans lequel le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : «Il y a deux catégories des gens de l’enfer que je n’ai pas encore vues : des hommes avec des fouets pareils à des queues de vaches et avec lesquels ils frappent les gens, et des femmes à la fois vêtues et dénudées, désobéissantes et attirantes dont les têtes ressemblent aux bosses inclinées des chameaux. Elles n’entreront pas au paradis et n’en sentiront pas l’odeur.»(11)

Ce hadith contient une preuve claire sur l’interdiction du port des habits fins qui laissent voir la peau de la femme et dévoilent sa couleur. Ibn ‘Abd Al-Bar ـ رحمه الله ـ a dit : «Il [Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم] désigne les femmes qui portent des habits fins, transparents et qui ne couvrent pas ; ces femmes portent, dans ce cas, des habits, mais elles sont, en réalité, nues»(12).

Ibn Taymiyya ـ رحمه الله ـ a dit : «L’expression : ‘‘et des femmes à la fois vêtues et dénudées’’ est interprétée en disant qu’elle désigne les femmes qui portent des habits qui les dévoilent. Elles sont habillées, mais, en réalité, nues : telle celle qui porte un habit fin qui laisse voir sa peau, ou un habit étroit qui précise les traits de son corps tels que son postérieur, ses avant-bras, ou autres. Ainsi, l’habit de la femme est ce qui couvre convenablement son corps, ne le dévoile pas et ne précise pas ses traits, car il doit être opaque et assez large.»(13)

– L’habit de la femme ne doit pas être un vêtement de célébrité, qu’il soit de valeur ou sans valeur, car le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : «Celui qui porte un habit de célébrité, Allâh l’habillera au Jour de la Résurrection d’un vêtement pareil ; puis, on y mettra le feu.»(14)

Ibn Taymiyya ـ رحمه الله ـ a dit : «Il est détestable de porter des habits de célébrité, qu’ils soient de valeur et hors du commun, ou sans valeur et hors du commun. En effet, les pieux prédécesseurs détestaient les deux types d’habit de célébrité : celui qui a de la valeur et celui qui n’en a pas. Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : “Celui qui porte un habit de célébrité, Allâh l’habillera d’un vêtement d’humiliation”(15). Et la meilleure des choses est le juste milieu.»(16)

Dans le même contexte, l’habit de la femme ne doit pas être orné, de sorte qu’il attire les attentions, que ce soit dans sa forme, les couleurs claires ou éclatantes qu’il renferme, la matière dont il est fait ou les dessins et les broderies qu’il contient, afin que la femme ne soit pas parmi celles qui exhibent leurs atours. Al-Aloûşî ـ رحمه الله ـ a dit : «Puis, sachez que, pour moi, il compte parmi les atours qu’il est interdit de montrer ce que portent la majorité des femmes de familles riches, à notre époque, sur leurs habits en guise de voile quand elles sortent de chez elles. C’est une étoffe tissée de soie et multicolore, qui contient des dessins dorés ou argentés qui attirent les regards. Á mon avis, le fait que les maris et les autres [responsables] autorisent leurs épouses et autres femmes de sortir [de chez elles] de cette manière et de marcher parmi les hommes constitue un manque de jalousie. En effet, ce phénomène a pris de l’ampleur.»(17)

– L’habit ne doit pas ressembler à celui des hommes, car : «Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a maudit les hommes qui cherchent à ressembler aux femmes et les femmes qui cherchent à ressembler aux hommes.»(18) Également, «Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a maudit l’homme qui porte l’habit propre à la femme et la femme qui porte l’habit propre à l’homme.»(19) Aussi, «le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a maudit la femme qui cherche à ressembler à l’homme.»(20)

La ressemblance interdite visée (ici) entre les hommes et les femmes est le fait que les uns imitent les autres en ce qui concerne l’habit, la parure, la manière de parler et la démarche. Tout cela est unanimement interdit pour la personne qui le fait à dessein et qui n’est pas dans la contrainte.

Ibn Hadjar ـ رحمه الله ـ a dit : «Il est unanimement interdit aux hommes et aux femmes de chercher à se ressembler à dessein et sans qu’il n’y ait de contrainte.»(21)

– L’habit ne doit pas ressembler aux vêtements et aux tenues des mécréants et ne doit pas constituer l’une de leurs coutumes, car le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a dit : «Quiconque ressemble à un peuple devient un des leurs.»(22)

Par ailleurs, il est connu que les conditions et les critères de l’habit de la femme musulmane sont tirés des textes authentiques de la Charia, qui délimitent la réalité du voile religieusement requis. Ainsi, délimiter le voile de manière générale sans tenir compte de ces conditions est une erreur manifeste et assez flagrante.

La deuxième raison : La liaison que l’auteur de ces propos a faite entre la délimitation du voile et l’usage des Compagnons رضي الله عنهم requiert une explication :

S’il voulait dire que cet habit – qui compte parmi les vêtements des Compagnons, leurs tenues et leurs habitudes – ne s’appuie pas sur un texte religieux le confirmant ou l’infirmant, à l’instar de la définition [jurisprudentielle] de l’usage, ce propos serait, sans doute, erroné. Ceci serait réfuté par les textes susmentionnés tirés de la Charia, le consensus et la pratique des Compagnons رضي الله عنهم.

Dans ce sens, ’Oum Salama رضي الله عنها a dit : «Quand ce verset fut révélé :

﴿يُدْنِينَ عَلَيْهِنَّ مِنْ جَلَابِيبِهِنَّ [الأحزاب: 59].

Sens du verset :

…De ramener sur elles leurs grands voiles. ﴿[s. Al-Ahzâb (les Coalisés) : v. 59], les femmes des Ansar(23) sortirent en portant des couverts noirs comme des corbeaux»(24).

Aussi, ‘Â’icha رضي الله عنها a dit : «Qu’Allâh fasse miséricorde aux premières femmes émigrées, car quand Allâh a révélé ce verset :

﴿وَلْيَضْرِبْنَ بِخُمُرِهِنَّ عَلَى جُيُوبِهِنَّ [النور: 31].

Sens du verset :

…Et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines. ﴿[s. An-Noûr (la Lumière) : v. 31], elles déchirèrent leurs Mouroût [une sorte d’habit] et en firent un Khimâr qu’elles portèrent»(25).

Cela et d’autres textes prouvent qu’ils suivaient certaines habitudes, puis – en répondant à l’appel de la Charia – y renoncèrent et adoptèrent des habitudes religieuses.

Et s’il voulait dire que la délimitation du voile a été imposée par l’usage des Compagnons رضي الله عنهم en s’appuyant sur des habitudes religieuses que les preuves religieuses authentiques ont établies, cela serait vrai ; seulement, nous devons nous conformer à la description et aux conditions de ces preuves.

Le savoir parfait appartient à Allâh عزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Maître des Mondes, paix et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

Alger, le 12 de Rabi‘ Ath-Thânî 1431 H,
correspondant au 28 mars 2010 G.

 



(1) Un homme «étranger» par rapport à la femme est une personne qui n’est pas Mahram (Cf. : note 3), (NDT).

(2) Cf. : At-Ta‘rîfât Al-Fiqhiyya de Mouhammad ‘Amîm Al-Ihsâne (p. 76).

(3) Mahârim (au pluriel) et «Mahram» (au singulier) désignent les hommes avec lesquels la femme ne peut jamais se marier, tels que le père, le fils, le frère, etc. (NDT).

(4) Les endroits de parure : les endroits où la femme met ses parures, tels que le cou, les oreilles, les jambes, les poignets, etc. (NDT).

(5) Dir‘ : habit allant du cou aux pieds. (NDT).

(6) Cf. : Fath Al-Bârî d’Ibn Hadjar (10/259).

(7) Rapporté par Aboû Dâwoûd (4117), An-Naşâ’î (5339), Ibn Mâdjah (3580), Ahmad dans son Mousnad (6/293), d’après Oum Salama رضي الله عنها. Ce hadith est jugé sahîh (authentique) par Al-Albânî dans As-Silsila As-Sahîha (1/227).

(8) Ghilâla : un vêtement que l’on porte sous l’habit, et aussi sous le Dir‘. [Cf. : Moukhtâr As-Sihâh d’Ar-Râzî (p. 479)]

(9) Rapporté par Ahmad dans son Mousnad (5/205), et Al-Bayhaqî dans As-Sounane Al-Koubrâ (2/234), d’après Ouşama Ibn Zayd رضي الله عنه. Al-Albânî l’a jugé haşane (bon) dans Djilbâb Al-Mar’a Al-Mouslima (p. 131).

(10) Un hadith Marfoû‘ : propos, acte ou approbation attribués au Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم. (NDT).

(11) Rapporté par Mouslim (2128) et Ahmad dans son Mousnad (2/355), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.

(12) Cf. : At-Tamhîd d’Ibn ‘Abd Al-Bar (13/204).

(13) Cf. : Madjmou‘ Al-Fatâwâ d’Ibn Taymiyya (22/146).

(14) Rapporté par Aboû Dâwoûd (4029) d’après Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما. Ce hadith est jugé haşane (bon) par Al-Albânî dans Sahîh Al-Djâmi‘ (6526).

(15) Rapporté par Aboû Dâwoûd (4030), Ibn Mâdjah (3606), et Ahmad dans son Mousnad (2/92). Ce hadith est jugé haşane (bon) ; par As-Sakhâwî dans Al-Maqâsid Al-Haşana (427) et Al-Albânî dans Djilbâb Al-Mar’a Al-Mouslima (p. 213).

(16) Cf. : Madjmou‘ Al-Fatâwâ d’Ibn Taymiyya (22/138).

(17) Cf. : Roûh Al-Ma‘ânî d’Al-Aloûşî (18/146).

(18) Rapporté par Al-Boukhârî (3/194) d’après Ibn ‘Abbas رضي الله عنهما.

(19) Rapporté par Aboû Dâwoûd (4098) et Ahmad (2/325), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه. Ce hadith est jugé sahîh par Al-Albânî dans Sahîh Al-Djâmi‘ (5096).

(20) Rapporté par Aboû Dâwoûd (4099), d’après ‘Â’icha رضي الله عنها. Ce hadith est jugé sahîh par Al-Albânî dans Sahîh Al-Djâmi‘ (5096).

(21) Cf. : Fath Al-Bârî d’Ibn Hadjar (6/336).

(22) Rapporté par Aboû Dâwoûd (4033) et Ahmad dans son Mousnad (2/50) ; d’après Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما. Ce hadith est jugé haşane (bon) par Al-Albânî dans Al-Irwâ’ (5/109).

(23) Ansâr : ce sont les Compagnons du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم de Médine qui l’ont soutenu et ont reçu les musulmans émigrés venus de La Mecque et d’ailleurs. (NDT).

(24) Rapporté par Aboû Dâwoûd (4101) d’après Oum Salama رضي الله عنها. Ce hadith est jugé sahîh par Al-Albânî dans Ghâyat Al-Marâm (282).

(25) Rapporté par Al-Boukhârî (4758) d’après ‘Â’icha رضي الله عنها.

 

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