Le jugement relatif à la fermeture de la mosquée | Le site officiel du Cheikh Mohamed Ali FERKOUS
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Vendredi 10 Chawwâl 1445 H - 19 avril 2024 G



Le jugement relatif à la fermeture de la mosquée

Question :

Une discussion s’est déroulée entre nous au sujet de la fermeture de la mosquée. Il y avait parmi nous ceux qui voyaient que cela est interdit, et il y avait ceux qui considéraient que c’était permis. Des étudiants en sciences islamiques ont argumenté la permission de la fermer en avançant qu’il y avait un intérêt car cela prémunissait la mosquée des atteintes physiques et morales, et que les mosquées sont exposées au vol, si on les laisse ouvertes, ou qu’elles sont un abri pour les mendiants, ou encore servant de local aux marchands ambulants pour y déposer leurs marchandises, ou de lieu pour les rassemblements qui égarent et pour les partisans des objectifs ignobles ou autres. Ces étudiants ont déclaré que malgré qu’aux premières générations (de l’Islam) on laissait les mosquées ouvertes, les situations et les temps ont changé à notre époque. Ils ont argumenté cela par une règle qui stipule : «Il n’y a pas de reproche à faire concernant le changement des jugements par le changement du temps

Nous souhaitons avoir, vénérable cheikh, un éclaircissement sur le jugement concernant cette question, et l’argumentation par la règle susmentionnée est-elle correcte ? Qu’Allâh vous récompense du meilleur bien.

Réponse :

La Louange est à Allâh, le Seigneur des mondes. Et que la prière et le salut soient sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour l’univers, ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Rétribution. Cela dit :

Fermer la mosquée et empêcher ceux qui y viennent pour adorer Allâh, et entraver le fait de remplir la mosquée spirituellement et qui consiste en l’accomplissement de la salât, de s’isoler pour faire le rappel d’Allâh et de réciter le Qur'ân, et d’enseigner aux gens les affaires de leur religion, cela fait partie du rejet qui encourt l’annulation des adorations ordonnées religieusement, comme il fait partie également de l’injustice et de la destruction, conformément à Sa Parole تعالى :

﴿وَمَنْ أَظْلَمُ مِمَّنْ مَنَعَ مَسَاجِدَ اللهِ أَنْ يُذْكَرَ فِيهَا اسْمُهُ وَسَعَى فِي خَرَابِهَا أُولَئِكَ مَا كَانَ لَهُمْ أَنْ يَدْخُلُوهَا إِلاَّ خَائِفِينَ لَهُمْ فِي الدُّنْيَا خِزْيٌ وَلَهُمْ فِي الآخِرَةِ عَذَابٌ عَظِيم﴾ [البقرة: 114].

Sens du verset :

Qui est plus injuste que celui qui empêche que dans les mosquées d’Allâh, on mentionne Son Nom, et qui s’efforce à les détruire ? De tels gens ne devraient y entrer qu’apeurés. Pour eux, ignominie ici-bas, et dans l’au-delà un énorme châtiment﴿ [Al-Baqara (La Vache) : 114].

Ladite destruction ne se limite pas à ce qui est concret et matériel par la détérioration et la ruine, mais cela outrepasse aussi à la destruction morale, et c’est pour cela qu’Allâh تعالى a condamné les œuvres des mécréants qui barrent [la voie] à l’Islam et ses rites. Allâh تعالى a dit :

﴿إِنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا وَيَصُدُّونَ عَنْ سَبِيلِ اللهِ وَالْمَسْجِدِ الْحَرَامِ الَّذِي جَعَلْنَاهُ لِلنَّاسِ سَوَاءً الْعَاكِفُ فِيهِ وَالْبَادِ وَمَنْ يُرِدْ فِيهِ بِإِلْحَادٍ بِظُلْمٍ نُذِقْهُ مِنْ عَذَابٍ أَلِيم﴾ [الحج: 25].

Sens du verset :

Mais ceux qui mécroient et qui obstruent le sentier d’Allâh et celui de la Mosquée Sacrée, que Nous avons établie pour les gens : aussi bien les résidents que ceux de passage… quiconque cherche à y commettre un sacrilège injustement, Nous lui ferons goûter un châtiment douloureux﴿ [Al-Hadj (Le Pèlerinage) : 25].

C’est pour cela qu’il ne faut pas empêcher l’acte d’adoration dans les mosquées ou l’arrêter et en détourner ceux qui s’y dirigent nuit et jour et ce, vu Sa Parole تعالى :

﴿فِي بُيُوتٍ أَذِنَ اللهُ أَنْ تُرْفَعَ وَيُذْكَرَ فِيهَا اسْمُهُ يُسَبِّحُ لَهُ فِيهَا بِالْغُدُوِّ وَالآصَالِ﴾ [النور: 36].

Sens du verset :

Dans des maisons [des mosquées] qu’Allâh a permis que l’on élève, et où Son Nom est invoqué ; on Le glorifie en elles matin et après-midi﴿ [An-Noûr (La Lumière) : 36]. Car, fermer la mosquée est similaire à l’interdiction de la salât, conformément à Sa Parole تعالى :

﴿أَرَأَيْتَ الَّذِي يَنْهَى. عَبْدًا إِذَا صَلَّى﴾ [العلق: 9-10].

Sens du verset :

As-tu vu celui qui interdit. à un serviteur d’Allâh [Muhammad] de célébrer la salât ? ﴿[Al-`Alaq (L’Adhérence) : 9-10].

Il est inclus, également, dans le sens de l’injustice et de la ruine, la suppression de l’environnement spirituel de la mosquée en la transformant en musée historique, en temple archéologique et en un lieu d’affluence des visiteurs qui y viennent pour [le contempler].

Cependant, il est fait exception de cela, le cas d’une mosquée qui serait ancienne et proche de s’effondrer sur les prieurs. Dans ce cas, il n’y a pas d’inconvénient à la fermer temporairement, selon l’état de cette mosquée, vu qu’il est obligatoire de préserver les âmes, et ce, jusqu’à ce qu’Allâh facilitera sa rénovation, la restauration de son bâti et le renforcement de ses murs.

Cela dit, la fermeture de la mosquée en dehors des heures de prière pour une cause fortuite, ou pour un objectif fondé ou un besoin temporaire n’empêche pas de réaliser le but à travers sa construction matérielle et morale, comme le fait d’éviter la profanation des annexes de la mosquée en y interdisant l’entrée des personnes inconvenantes comme les polythéistes et les mécréants, de même que les chiens, ainsi que pour préserver ses équipements de la détérioration, par le pillage et le vol et autres.

En effet, ces objectifs, bien qu’ils constituent l’intérêt de la mosquée, si l’on peut en repousser la nuisance et l’abus en désignant quelqu’un pour surveiller les maisons d’Allâh تعالى, même en y installant des équipements modernes, ce qui les préservera des dommages et protégera leur caractère sacré et leurs matériels, dans un cas pareil, la permission de les fermer n’est pas approuvable après avoir facilité leur protection et leur préservation par la surveillance et le contrôle. Ainsi, elles doivent rester telles qu’elles étaient à la base sur laquelle fut les premières générations conformément à la sounna, [c’est-à-dire qu’elles doivent restées toujours ouvertes].

Par contre, si cela est irréalisable, comme dans le cas de la rénovation des maisons d’Allâh, la mosquée peut être fermée pour des périodes temporaires et en dehors des moments de la salât (prière) pour réparation et restauration. Aussi, ladite fermeture ne présentera pas d’inconvénients.

Ce jugement se base sur une cause compatible avec le changement et qui est la réalisation de l’intérêt. Les juristes et des savants des fondements du fiqh s’accordent à dire que les jugements susceptibles de changer au gré des temps et des usages sont les jugements basés sur les efforts de l’interprétation en se fondant sur l’usage et l’intérêt.

Dans le cadre de cette perception interprétative, An-Nawawi -رحمه الله- a rapporté, d’après certains chaféites concernant la question de la fermeture des mosquées, ce qui suit : «Il n’y a pas de mal à fermer la mosquée en dehors des heures de la salât, afin de la protéger ou de préserver ses équipements, et c’est ce qu’ils ont affirmé. Cela, si on craint de profaner les mosquées et de gâcher ce qui s’y trouve, et qu’il n’y a pas de besoin à les ouvrir. Cependant, si on ne craint pas d’abus à les ouvrir ni de violer leur caractère sacré, et si les ouvrir aux gens représente une bienveillance envers eux, dans ce cas, la sounna est de les ouvrir, comme on ne fermait pas la mosquée du Messager d’Allâh صلَّى الله عليه وسلَّم à son époque et postérieurement.»(1)

Quant à l’argumentation par la règle : «Il n’y a pas de reproche à faire concernant le changement des jugements par le changement du temps», la réponse à cela est de deux figures :

La première :

Une règle juridique (fiqhiyya) ne convient pas pour être une preuve sauf si elle est un argument indépendant et religieusement attesté, ou qu’elle exprime un argument fondamental, ou qu’elle soit associée à une règle fondamentale. La règle juridique dépouillée de cela convient pour être un témoignage qui accompagne les arguments, par lequel on peut se rassurer afin d’établir les jugements des faits et des affaires nouvelles en les annexant analogiquement aux questions juridiques déjà établies.

La seconde :

La règle susmentionnée, même si elle a une relation avec la cause compatible au changement tel que l’usage et l’intérêt, sa formule est générale car elle englobe les jugements définis par les Textes et ceux renfermant une cause. Ce genre de généralité n’est pas concerné dans la formulation de cette règle. C’est pour cela que celle-ci a besoin d’être démontrée et détaillée, dont la figure apparaît dans ce qui suit :

- Soit que les jugements sont cultuels et dont le sens n’est pas rationnel. Alors, ces derniers ne sont jamais soumis au changement du fait qu’ils sont établis sur des Textes religieux attestés, qui n’acceptent ni changement ni transformation.

- Soit ils sont justifiés par une cause ; ce sont les jugements dont le sens est rationnel, se divisant en deux genres :

- Soit sa cause est constante et inchangeable. Dans ce cas, le statut de ces jugements est le même que celui d’un Texte religieusement attesté : on n’y introduit ni changement ni modification, tel que l’interdiction du vin à cause de l’ivresse, l’obligation de couper (la main) pour vol, l’obligation de délaisser les rapports sexuels avec les épouses à cause des menstrues et l’interdiction des jeux de hasard qui recèlent leurre et tromperie, ainsi que d’autres choses similaires. Dans ce cas, le jugement rejoint sa cause de façon générale et sans aucune exception, et inversement, c’est-à-dire qu’il s’accorde à sa cause autant en existence qu’en inexistence.

- Soit que sa cause est inconstante. Cela concerne les jugements fondés sur Idjtihâd (effort d’interprétation) et se basant sur une cause prédisposée au changement tel que l’usage et l’intérêt. Ces jugements sont modifiables suite au changement du temps et des usages, et ce, par unanimité comme cité précédemment. C’est pourquoi il incombe de restreindre la règle susmentionnée en y ajoutant une proposition qui apportera une clarification afin d’éviter la généralisation. La formule ajustée sera ainsi : «Il n’y a point de reproche à faire concernant le changement des jugements interprétatifs fondés sur l’usage et l’intérêt par le changement du temps».

Et il n’échappe pas qu’il y a dans notre question ce qui se range dans la catégorie qui n’accepte ni changement ni transformation, et une autre catégorie basée sur l’intérêt. Parmi ses normes, le fait qu’il garde et préserve les visées de la législation, qu’il ne s’oppose pas aux Textes de la législation et du consensus, que son application n’implique pas un abus majeur ou égal, et qu’il ne s’oppose pas à un intérêt majeur ou égal. En effet, les jugements fondés sur l’intérêt sont englobés par la règle explicitée précédemment à l’exception d’une autre.

Cela étant dit, la science parfaite est auprès d’Allâh le Très Haut. Et notre dernière invocation est : Louange à Allâh, Seigneur des mondes et que la prière d’Allâh et Ses salutations soient sur notre Prophète Muhammad, sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Rétribution.

 

Alger le, 25 de Djoumâda Ath-Thâniya 1434 H
correspondant au 5 mai 2013 G.



Voir El Madjmoû‘ d’An-Nawawi (2/178).